par Gérard GUIRAUDET
Dans le bulletin précédent de « Sommières et son Histoire »[1], nous avions retracé le parcours des religieuses Ursulines, depuis leur couvent de la rue Taillade, jusqu’à l’immeuble de la place du Bourguet, ancien couvent des Récollets, antérieurement occupé par l’hospice de Sommières. Cette installation n’a été possible que grâce à un échange entre les administrateurs des « Hospices de Sommières » et une association de quarante-trois personnes qui avaient racheté le couvent des Cordeliers.
Le couvent des Cordeliers et celui des Récollets étaient situés tous deux au faubourg du Bourguet, à Sommières. Le couvent des Cordeliers occupait l’emplacement de l’actuelle maison de retraite « La Coustourelle », celui des Récollets, l’immeuble du Pensionnat Maintenon.
Le couvent des Récollets construit en 1630 par M. Malbois, juge pour le Roy, en la ville de Sommières et la baronnie de Montredon, est destiné à accueillir les moines Récollets, futurs missionnaires et aumôniers de régiments. Louis XV supprime cette communauté à Sommières en 1769. Les moines sont transférés à Toulon. Le couvent avec les jardins attenants est vendu par la congrégation des Récollets à l’Administration des Hospices de la ville de Sommières le 27 juin 1770 par devant Me Duranc, notaire, au prix de 7 000 livres (49 350 €). Le premier acompte est de 2 400 livres (16 920 €). Pour pouvoir le régler, il est fait appel à la générosité publique ce qui permet de recueillir 3 457 livres (24 370 €) qui vont servir à payer l’acompte mais aussi à faire des travaux pour restaurer l’édifice et la chapelle. Et, le 16 août 1772, le bureau de l’hôpital peut tenir sa première délibération dans la salle basse du nouvel établissement.[2]
Le couvent des Cordeliers est fondé en 1223 par Pierre Bermond, seigneur de Sommières. Il prend très vite une grande importance et possède tous les terrains s’étendant sur le versant ouest de la Coustourelle, depuis le Jeu de Ballon jusqu’à la route de Nîmes. Les guerres de religion viennent briser cet essor, et lorsque les Cordeliers quittent le couvent, les bâtiments sont en très mauvais état et doivent être totalement restaurés. Les travaux de l’église (temple actuel) durent de 1671 à 1710 et sont financés en partie par la famille de Raymond Pavée de Villevieille[3].
Après la Révolution, le couvent et les terrains attenants qui n’avaient pas été aliénés sont mis en vente comme biens nationaux. Le 30 Novembre 1790, le maire de Sommières, M. de Roux, propose à son conseil d’acquérir le couvent pour le transformer en casernes afin d’éviter à la ville de lourdes dépenses pour le logement des troupes en garnison ou de passage. Son successeur, M. Oubxet réitère sa demande : « L’an mil sept cent quatre vingt onze et le samedi 23 avril après midi, le maire Oubxet a dit : « Vous savez, Messieurs, que, par une délibération du 30 novembre dernier, la commune authorise la municipalité à faire une offre pour la maison et les terrains joignants jouis par les Cordeliers de cette ville, qu’en conséquence la municipalité fit cette offre à vingt et une mille livres, le dixième décembre suivant et que, par une autre délibération du septième janvier dernier, la municipalité fut authorisée à se pourvoir aux directoires du district et du département pour qu’il fut permis à la commune de faire l’acquisition des dites maisons et terrains adjacents. »[4]
Afin de motiver cet achat le maire indique que c’est pour aménager en partie un corps de caserne nécessaire au logement des troupes en garnison ou de passage. Sommières doit héberger, en effet, de nombreux soldats et la municipalité doit faire face aux dépenses de cantonnement. Au début de l’année 1791, des dragons ont été logés à « l’auberge du Dauphin », chez le Sieur Puech. Depuis le 15 mars, des dragons avec leurs chevaux sont cantonnés dans cette même auberge située au faubourg du Bourguet (actuellement 27 Rue Émilien Dumas). Il ajoute que « les terrains pourront servir pour faire un cimetière pour les non catholiques, et enfin, tout ce qui sera jugé superflu sera vendu ou inféodé. » En raison de l’état des finances l’achat ne peut avoir lieu.
Pendant ce temps, les catholiques s’intéressent également au couvent des Cordeliers. « Des sentiments religieux émouvant le cœur et l’esprit des fidèles du culte apostolique et romain de Sommières, ils formèrent une association à l’effet d’acheter l’église des ci-devant Cordeliers pour conserver et avoir un temple pour la continuation de l’exercice de notre culte, dont un gouvernement peu sage et engourdi dans les ténèbres de l’erreur avait voulu l’en dépouiller. La plupart des sociétaires qui se présentèrent et se réunirent à ces fins commirent Louis Rédarés, (un marchand de Sommières) pour faire des offres. Il devint adjudicataire le 21 octobre 1791 pour une somme de 42 000 francs, payés en assignats. » [5]
Cette acquisition avait été faite en son nom personnel, « mais il fut convenu que le sieur Rédarés, seul nominativement propriétaire des objets par lui acquis, s’en dessaisirait au profit de la masse des catholiques, (qui avaient apporté des fonds pour réaliser cet achat). Fidèle à sa parole, Rédarés fit, par contrat passé devant maître Seguin, notaire à Sommières, le 29 pluviôse an XI,(18 février 1803) vente à quarante individus y dénommés, les quarante deux quarante troisièmes de la propriété dite le couvent des Cordeliers et dépendances qui restaient invendues, se réservant pour lui même une seule action. »[6]
Dés l’achat par Rédarés, les catholiques prennent aussitôt possession de l’église du couvent des Cordeliers pour y célébrer leur culte. Cela est confirmé par une déclaration de J. L. Dumas, procureur de la commune, qui, le 2 avril 1792, déclare : « L’église qu’ont acquise les non conformistes pour y célébrer leur culte attire ici des citoyens des villages voisins …la loi permet le libre exercice du culte… il est fait défense aux citoyens propriétaires de la ci-devant église des Cordeliers d’y accueillir des étrangers, même des villages voisins. »[7]
L’église St Pons, mise sous séquestre comme bien national, est transformée en temple de la Raison. Un devis de Saussine Aîné fait état de réparations à faire au temple de la Raison.
Depuis que leur temple, situé à l’angle de la Rue des Baumes a été rasé en 1685, au moment de la Révocation de l’Édit de Nantes, il n’y a pas d’édifice public pour la célébration du culte protestant. La liberté des cultes ayant été rétablie, les protestants demandent à la commune de leur attribuer un local en compensation du temple détruit en 1685. « Le 25 thermidor an III (12 août 1795) se sont présentés les citoyens : Louis Fraissinet, François Causse père, François Paladan, François Vincent, Charles Lafont, Charles Béranger, Louis Flaissier, Paul Carrieu, Biranque Ainé, Laurent Massip qui ont invité le corps municipal à leur désigner un édifice pour y exercer leur culte et ont signé, tous protestants et habitants cette commune.
Le corps municipal, après avoir ouï l’agent national, déférant à l’incitation des susnommés arrête qu’il leur sera accordé le local de la ci-devant paroisse de cette commune conformément à la loi du 11 prairial dernier[8] (30 mai 1795).
Les protestants vont désormais célébrer leur culte dans l’ex église St Pons, appartenant à la commune. Mais, quatre ans plus tard, ce local leur est provisoirement retiré. Voici ce qui est relaté sur le registre des délibérations : « Le deux germinal an VII (22 mars 1799) se sont présentés les citoyens soussignés qui ont dit qu’instruits qu’en exécution d’une lettre de l’Administration centrale à la date du 19 ventôse dernier (9 mars 1799), il leur est enjoint de cesser d’exercer le culte protestant dans le local qui leur fut remis à cet effet le 25 thermidor an III (12 août 1795) par la municipalité de cette commune ; Par la raison que ce local a été désigné pour les réunions décadaires. Ils se font un devoir d’obéir à un ordre qui émane des organes de la loy quoiqu’il leur paraisse contraire à la loy et aux intentions du gouvernement. Mais que, jaloux de jouir des droits que leur donnent l’art. 7 de la déclaration des droits de l’homme et l’art. 122 de la Constitution ils viennent déclarer en exécution de l’art. 17 de la loy du 7 vendémiaire an IV (29 sept 1795) qu’ils ont choisi provisoirement l’enclos attenant à la maison et jardin appartenant à la veuve Pons situé au faubourg du Bourguet de cette commune pour y exercer leur culte. »[9]
On ne sait à quelle date ils ont regagné l’église St Pons.
Deux ans plus tard, en 1801, survient un événement de la plus haute importance : une convention est signée entre le Gouvernement français et le Saint-Siège, c’est le Concordat. Le Gouvernement de la République française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande majorité des citoyens français.
Art 1er- La religion catholique sera librement exercée en France. Son culte sera public en se conformant aux règlements de police….
Art XII – Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres, non aliénées, nécessaires au culte seront remises à la disposition des évêques.
Il résulte de cet article XII que l’église St Pons n’ayant pas été aliénée comme bien national est affectée par un arrêté du 8 pluviôse an XI (28 janvier 1803) à l’exercice du culte catholique. Toutefois, lors de la parution du tableau de circonscription des églises protestantes du département du Gard, approuvé par le gouvernement, le 1er germinal an XI (22 mars 1803) « les protestants de la ville de Sommières sont maintenus dans la possession et jouissance de l’église St Pons. » Ainsi une même église a reçu une double affectation l’une pour le culte catholique, l’autre pour le culte protestant. Chacune des deux communautés cherche à faire prévaloir ses prétentions. Le préfet, saisi de cette situation, par un arrêté en date du 14 prairial an XI (3 juin 1803) signale ce fait au Gouvernement et sollicite des instructions. Son Excellence le Ministre des Cultes dans une lettre du 13 pluviôse an XIII (2 février 1805) « manifeste le désir que les prétentions respectives des catholiques et des protestants puissent être conciliées et prescrit de prendre les mesures jugées convenables pour y parvenir. » [10]
Le préfet intervient alors et « réunit à la mairie de Sommières le consistoire[11] protestant, espérant le faire céder. Mais il se heurta à une vive résistance : « Nous sommes entrés, lui disait M. Ribot, Président du consistoire, dans l’église St Pons en vertu d’une loi et nous n’en sortirons que par une loi. Notre cause est juste et si je la perdais devant vous, Monsieur le Préfet, j’en appellerais à l’Empereur lui-même. »[12]
C’est alors que l’idée d’échanger les deux couvents commence à prendre forme. Dans un arrêté du 5 floréal an XIII (25 avril 1805) le préfet demande au maire de Sommières de réunir son conseil pour débattre de cet échange.
Voici le compte rendu de cette réunion, extrait du registre des délibérations de la ville de Sommières :[13]Le quinze floréal an XIII de la République (5 mai 1805) le Conseil Municipal de la ville de Sommières, extraordinairement convoqué en conformité de l’arrêté de M. le Préfet, en « datte » du cinq courant présente la délibération soussignée.
Le maire a mis sur le bureau le procès-verbal dressé en cette ville par M. le Préfet en « datte » du 26 ventôse dernier, (17 mars 1805) la délibération de la commission administrative de l’hospice civil de cette ville en « datte » du 26 germinal (16 avril) et finalement le susdit arrêté du 5 floréal (25 avril) le tout relatif à l’échange des ci-devant Récollets contre le couvent des Cordeliers.
Le conseil doit délibérer sur l’échange du couvent des Récollets et dépendances appartenant au dit hospice et par lui actuellement occupé, contre le ci-devant couvent des Cordeliers pour ce qui n’en a pas été aliéné par les acquéreurs et sur la cession à faire à la ville de Sommières de l’église du dit Cordeliers et de la portion de l’enclos nécessaire pour l’établissement du cimetière des catholiques et celui des protestants, ainsi qu’il est annoncé au procès-verbal du 26 ventôse (17 mars 1805).
Considérant que, d’après les motifs exprimés, l’échange projeté réunit plusieurs avantages très précieux pour la ville de Sommières, qu’il tend à opérer une conciliation bien désirable et à laquelle tous les gens de bien tiennent beaucoup en faisant cesser les prétentions respectives que l’un et l’autre culte avaient formé sur la propriété de l’église St Pons, tout en évitant une augmentation de dépenses que la commune supporterait si elle était tenue de faire élever un temple pour l’exercice du culte protestant, et de se procurer partout ailleurs un terrain clos pour la formation des deux cimetières. Sans que les pauvres perdent rien du revenu qu’ils touchent sur la location des objets superflus[14] de l’hospice actuel étant de toute justice qu’ils en soient compensés par une indemnité proportionnée.
Considérant qu’il n’est pas juste que l’échange s’opère sans que les pauvres reçoivent un dédommagement proportionné des objets cédés sur celui du prix de la location de la cession de l’église et partie de l’enclos des ci-devant Cordeliers qui sera cédé à la commune par l’hospice. Lequel prix compensera la moins valeur de celui des bâtiments des Cordeliers comparativement fait au prix où se porte la location des objets superflus de l’hospice actuel aux ci-devant Récollets.
Considérant que sous ce rapport la valeur des objets échangés pourra être considérée du même prix dans l’acte d’échange et accord qui sera passé entre l’Administration de l’hospice et les propriétaires de l’enclos et monastère des ci-devant Cordeliers….
Quoiqu’il paraisse que l’indemnité annuelle de la somme de sept cents francs que Messieurs les administrateurs de l’hospice de cette ville demandent par leur délibération du 26 germinal dernier (16 avril 1805) soit trop élevée, néanmoins, pour accélérer les opérations et justifier à M. le Préfet combien le conseil est disposé dans toutes les circonstances à seconder le désir paternel qui le dirige,
le conseil a unanimement délibéré qu’il consentait de faire une rente annuelle et perpétuelle, à l’hospice de cette ville, de la somme de sept cents francs, savoir celle de quatre cents francs en représentation de la cession qui sera faite par l’hospice à la commune de l’église des ci-devant Cordeliers pour être consacrée à l’exercice du culte protestant, auquel la commune est tenue de fournir un temple et celle de trois cents francs pour le prix annuel de la cession ou location qui sera également faite à perpétuité par l’hospice à la commune de la partie de l’enclos et murailles de clôture existantes pour l’établissement de deux cimetières que la commune doit fournir aux cultes catholique et protestant.
Que l’indemnité de la somme de sept cents francs étant déjà plus que suffisante pour indemniser les pauvres sur le susdit échange il ne serait pas juste que la commune fut encore tenue de faire procéder à ses frais aux réparations à faire en maçonnerie au ci-devant Cordeliers, demandées dans la délibération de MM. les Administrateurs ci devant précitée, qu’elles sont déjà suffisamment compensées par l’élévation du prix de l’indemnité annuelle ainsi que par les réparations à faire au ci-devant Récollets, à la charge des échangistes. »[15]
Le délibéré se termine par un panégyrique en l’honneur du préfet pour la sollicitude et la bonté dont il a fait preuve vis à vis des administrés de la commune de Sommières.
Le préfet veut obtenir rapidement des résultats et provoque une nouvelle réunion du conseil municipal à ce sujet.
Sur le registre des délibérations on trouve à la date du 25 messidor an 13, (14 juillet 1805) et, c’était un dimanche ![16]
« Le conseil municipal est extraordinairement convoqué en conformité de l’arrêté de M. le Préfet en date du 21 courant (10 juillet). Le maire présente à ses conseillers :
- Le procès-verbal d’information dressé par M. Rame, commissaire nommé par le préfet.
-L’état descriptif de la maison des Récollets et de ses dépendances.
-L’état descriptif de la maison des Cordeliers dressé par M.Durant, ingénieur des ponts et chaussées.
-Les états de dépenses pur ces divers documents : vingt huit francs pour M. Rame et cinquante quatre francs pour M. Durant.
-les extraits de la matrice du rôle de la contribution foncière de la ville concernant l’hospice dont l’impôt s’élève à septante cinq francs, trente et un centimes et celui concernant la maison des Cordeliers dont l’impôt est de septante six francs, soixante six centimes.
Les évaluations des deux bâtiments et de leurs dépendances sont les suivantes : bâtiment des Cordeliers : quarante deux mille quatre vingt trois francs, soixante centimes.
Pour les Récollets, l’estimation est de trente neuf mille six cent trente et un francs, cinquante deux centimes. D’où il résulte une différence de valeur de deux mille quatre cent cinquante deux francs, huit centimes.
Compte tenu des réparations à faire aux deux bâtiments, la différence d’évaluation ne serait plus que de douze cent quatre vingt cinq francs cinquante huit centimes. Laquelle dite somme se trouve bien compensée par la moins valeur de l’emplacement des Cordeliers comparativement avec celui des Récollets servant d’hospice. »[17]
Après avoir exposé plusieurs considérations le conseil municipal donne son entière adhésion au procès –verbal d’information dressé par le conseiller de la préfecture relatif à l’échange projeté et confirme la proposition de faire, à l’hospice, une rente annuelle et perpétuelle de sept cents francs « en représentation de la cession qui sera faite à la commune de la ci-devant église des Cordeliers pour être consacrée à l’exercice du culte protestant et de la cession de la partie du terrain , dans l’enclos des Cordeliers pour la formation de deux cimetières qui seront destinés pour contenir les dépouilles mortelles des fidèles de l’un et l’autre culte. »
Et pour ne rien oublier, le conseil municipal demande au préfet « de bien vouloir prendre une ordonnance sur le percepteur de la commune de quatre vingt deux francs afin de rembourser les sommes dues à M.Rame et à M.Durant. »
A la réception du compte rendu de cette délibération, le préfet prend un arrêté en date du 29 brumaire an XIV (20 novembre 1805), dans lequel il retrace en détail les étapes successives de l’échange. Les seules réticences à ce projet d’échange émanent de la Commission des Hospices qui souhaite conserver le couvent des Récollets. Elle est vigoureusement prise à partie, par le préfet, dans son arrêté :
« Considérant que lors de l’inspection qui a été faite à l’époque du 28 ventôse an 13 (19 mars 1805) de l’hospice de la ville de Sommières ainsi que de l’ordre qui pouvait y être observé, il a été reconnu que cet hospice était plutôt un réceptacle d’individus livrés à la débauche et vivant sans ordre et sans discipline qu’un hospice destiné au soulagement de l’indigence.
Que l’observation en fut faite à la commission administrative de l’hospice, qu’il lui fut annoncé que le régime suivi jusqu’alors ne pouvait être maintenu et qu’il était indispensable de lui en substituer un autre plus conforme à la destination qu’un hospice doit avoir, et que si ces changements n’ont point encore été formellement ordonnés c’est parce que l’on a attendu qu’il eût été définitivement prononcé sur l’échange projeté.
Qu’ainsi c’est légèrement que la Commission des Hospices de Sommières a manifesté tant d’attachement pour le local occupé maintenant par l’hospice et exalté autant les avantages dont les pauvres y jouissent à tous égards, à moins que l’on envisage comme un avantage la licence à laquelle ils sont livrés.
Considérant que les moyens conciliatoires proposés par la Commission des Hospices ont tous été débattus et jugés incapables de satisfaire le vœu commun et qu’ainsi les reproduire est vouloir faire revivre et éterniser des discussions qu’il importe sous tout rapport de terminer. »
Etant donné l’accord de la municipalité de Sommières et des communautés catholique et protestante, le préfet donne un avis favorable à l’échange projeté et transmet le dossier au ministre de l’Intérieur et au ministre des Cultes en leur demandant « de bien vouloir faire statuer le plus promptement qu’il sera possible. »
Ce n’est qu’un an plus tard qu’est publié le décret entérinant cet échange[18] :
« Du quartier impérial de Posen, (Poznan –Pologne) le 12 décembre 1806.[19]
Napoléon, Empereur des Français, sur le rapport de notre ministre de l’Intérieur,
- Vu la loi du 18 germinal an X,
- Notre Conseil d’État entendu.
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art. 1er
L’échange proposé d’une part entre l’Administration des hospices de Sommières, département du Gard, du ci-devant couvent des Récollets, qu’elle occupe aujourd’hui et d’autre part entre différents particuliers, pour le ci-devant couvent des Cordeliers, dont ils sont propriétaires est approuvé.
Art. 2
Cette Administration, aussitôt l’échange consommé abandonnera à la commune, l’église et l’enclos des Cordeliers tels qu’ils sont désignés au procès-verbal d’expertise dressé le 18 prairial an XIII.
Art. 3
L’église des Cordeliers sera affectée exclusivement au culte protestant, en conséquence, l’église dite de St Pons le sera également au culte catholique ; l’enclos sera disposé pour former deux cimetières distincts à l’usage des cultes catholique et protestant.
Art. 4
La commune payera annuellement et jusqu’au remboursement à l’hospice, une rente de sept cent francs, sans retenue, rachetable au denier vingt.
Les autres dispositions du préfet en « datte » du 29 brumaire sont approuvées, une expédition sera jointe au présent.
Art. 5
Nos ministres de l’Intérieur et des Cultes sont chargés chacun en ce qui les concerne de l’exécution du présent décret.
Signé : Napoléon, pour l’Empereur,
Le Secrétaire d’État signé : Hugues B. Moret. »
Le préfet du Gard, dans un arrêté du 20 février 1807, reprend les différents articles du décret et précise les dispositions que le maire de Sommières doit prendre pour l’exécution de cet échange.
Et, c’est le six mars 1807, en la mairie de Sommières, qu’a lieu la concrétisation de l’échange tant attendu et rapporté comme suit [20]:
« Enregistrement de l’acte d’échange passé entre Messieurs les Administrateurs de l’hospice civil de cette ville et les Sociétaires ou acquéreurs de la propriété des ci-devant Cordeliers.
Napoléon par la grâce de Dieu et par la constitution de l’Empire, Empereur des Français, à tous présents et à venir, salut. Faisons savoir que l’an mil huit cent sept et le sixième mars heure de trois après-midi par devant nous Antoine Viger, maire de la ville de Sommières, assisté de Jacques Gallien, que nous avons pris pour secrétaire greffier, tenant séance publique dans l’hôtel de ville du dit Sommières, ont comparu :
Messieurs Jacques Nicol le jeune, André Castan, Louis Bonnaure, administrateurs de l’hospice public de Sommières, d’une part et Messieurs Gabriel Raynard, Joseph Villardy-Montlaur habitant à son château de Pondres, Jean Encontre, etc…(vingt huit en tout) tous habitants en la ville de Sommières, copropriétaires du « maisonnage » église et enclos des Cordeliers, agissant au présent acte, tant de leur chef propre solidairement se faisant fort de Messieurs Leblanc, Bouzanquet, Gautier, etc…(une nouvelle liste de noms parmi lesquels on relève celui de Viger, et de Duranc, le notaire).
Le texte reprend ensuite l’historique et les phases de l’échange, suivi du décret du douze décembre 1806 de l’empereur, et de l’ordre d’exécution du préfet du vingt février 1807. « Les bâtiments et terrains échangés sont déclarés d’une égale valeur de vingt quatre mille francs sans soulte « ny » retour.» La commune de Sommières « s’engageant à verser annuellement à l’hospice une rente de sept cents francs, exempte de retenue et rachetable au denier vingt. »
Suivent les signatures du maire et des personnes concernées.
L’échange ayant abouti on peut penser que le maire, Viger va se réjouir. Mais, il lui reste encore un dernier pas à franchir : parmi les dispositions que le préfet lui demande de prendre il y a celle de « faire effectuer le transfert des objets du culte qui se trouvent dans les églises des Cordeliers et de St Pons, et qui ne sont pas à perpétuelle demeure, entre les deux communautés catholiques et protestants. »
C’est à ce moment là qu’un nouveau problème surgit à propos des cloches. Le maire indique que « la cloche qui se trouve présentement placée à l’église des Cordeliers est un objet de culte, qui n’est pas installé à perpétuelle demeure, et qui serait par conséquent dans le cas d’être transférée à l’église St Pons. » L’église St Pons en est en effet dépourvue : celle qui était installée a, dans un élan de générosité patriotique de la municipalité de la période révolutionnaire, été donnée à la Nation afin d’en faire des canons « pour détruire les ennemis du peuple. » Cependant, la cloche installée dans l’église des Cordeliers est jugée « nécessaire pour le culte protestant, et si on la déplaçait se serait pour la remplacer par une autre et, par conséquent provoquer une augmentation des dépenses de la commune. »
Le maire propose alors à son conseil de laisser la cloche en place, à l’église des Cordeliers, et de faire l’acquisition d’une nouvelle cloche pour l’église St Pons. Sa proposition est « unanimement applaudie » par les conseillers municipaux. Mais la discussion s’ouvre alors sur le poids de la cloche à acquérir. « Elle doit être du même poids que celle laissée aux Cordeliers. »L’un des membres du conseil, dans un éclair de génie, propose de descendre cette cloche pour la peser, puis la remettre de suite dans son clocher ! Sa proposition est rejetée. Chacun suggère, alors, un poids pour la nouvelle cloche : six quintaux pour les uns, onze quintaux… et demi pour un autre, le reste des membres du conseil tombe d’accord pour une cloche de douze quintaux. C’est ce poids qui est décidé, à la majorité des suffrages.
Le maire indique que les cloches se vendant à la livre, il faut prévoir une dépense de seize cents francs, et, pour ne pas retarder l’achat de cette cloche « M. le Préfet est supplié de vouloir bien autoriser le sus dit objet de dépenses et de le faire porter sur l’état de celles de l’exercice de l’année courante. » Le maire propose au préfet de prendre provisoirement ce montant « sur la somme restant en caisse, provenant de l’indemnité de cinq mille neuf cent cinquante un francs accordée à la commune pour dommages par elle éprouvés par l’effet du débordement de la rivière Vidourle en l’an X (1801)[21] et lorsque la valeur fixe de la cloche sera connue, M. le Préfet sera à nouveau supplié de bien vouloir autoriser le maire a en effectuer le payement. »
Pour terminer la séance du conseil municipal, le maire adresse un concert de louanges à l’égard du préfet pour lui témoigner, « au nom de tous les habitants de la ville, leur gratitude et leur reconnaissance, pour les soins véritablement paternels qu’il a bien voulu se donner pour parvenir à obtenir le décret impérial qui a autorisé l’échange projeté…et dont le résultat est propre à maintenir la concorde et l’union entre les fidèles des cultes qui se professent à Sommières, indépendamment des avantages que la commune y trouve du côté de ses intérêts, et ont tous les membres présents et opinants signé. »
Le Maire : Viger et les membres du Conseil Municipal.
L’acte d’échange signé, chacun s’installe dans le bâtiment qui lui a été dévolu. L’hospice civil transfère, le 19 août 1807, son mobilier et ses malades à l’ancien couvent des Cordeliers. Les Ursulines, au nombre de trois, qui, depuis le décret impérial du 9 avril 1806 autorisant l’enseignement par « les dames de Ste Ursule », étaient hébergées au couvent des Cordeliers, vont occuper les locaux libérés par l’hospice à la place du Bourguet. Les protestants, sans édifice public pour célébrer leur culte depuis la destruction de leur temple, en 1685, lors de la Révocation de l’Edit de Nantes, disposent désormais de l’église du couvent des Cordeliers, propriété de la Commune de Sommières. Quant aux catholiques, ils récupèrent, avec joie, l’église St Pons (sans sa cloche), dont ils avaient été dépossédés par la Révolution.
Le maire, Viger, va devoir maintenant s’occuper de l’implantation des deux cimetières : catholique et protestant, dans l’enclos de l’ex couvent des Cordeliers, situé entre le bâtiment du couvent et la route de Nîmes, mais aussi d’un dossier d’importance : la vente, comme « bien national », du château et des terrains attenants.[22]
SOURCES
NOTES :
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Texte : Gérard Guiraudet, tous droits réservés.