Marvejols : historique du temple du XVIIème siècle


iconographie souhaitée. Merci d'avance.

Temple de Marvejols (48 = Lozère)

Historique : en décembre 1601, le consistoire achète une maison en ruine, rue Daurade pour y faire aménager le temple qui est terminé en juillet 1602. C’était un édifice rectangulaire, sobre et dépouillé, éclairé par plusieurs fenêtres en arceaux et des occuli. L’on y accédait par un porte de belles dimensions, donnant sur la rue Daurade et par une issue secondaire sur l’arrière. Un petit clocher surmontait l’ensemble. Le mobilier comportait une chaire en bois de pin plaqué de noyer, une « table sainte » en bois massif et une trentaine de bancs placés en amphithéâtre. S’avérant rapidement trop petit, le temple fut agrandi dans de notables proportions en 1640, grâce au legs de Pierre de CHAMBRUN, médecin et membre du consistoire, offrant à la communauté un jardin contigü permettant une extension du bâtiment. Le culte ayant été interdit en juin 1685, le temple est d’abord fermé puis détruit en novembre. Ses matériaux sont attribués aux jacobins et aux cordeliers. Aucune construction, ne vint occuper son emplacement, aménagé en place publique. Une simple plaque gravée, apposée en 1985, en rappelle l’existence, tandis que l’ancien cimetière est devenu un jardin privé.

 

MARVEJOLS : une cité huguenote en Haut-Gévaudan

Il est bien difficile, en ce début du 21° siècle, de discerner dans la cité de Marvejols les traces de son passé huguenot. En effet, cette petite ville de 6 000 habitants se présente aujourd’hui comme l’un des pôles du catholicisme lozérien, notamment par la présence de l’église N.D. de la Carce, imposante collégiale édifiée à partir de 1654 et de plusieurs congrégations religieuses gérant des établissements scolaires ou d’accueil.

La Réforme rencontre ses premiers succès en Haut-Gévaudan dans les années 1540. Plusieurs habitants de ces contrées, autour de Marvejols et Saint-Léger-de-Peyre sont inquiétés, et même condamnés pour leur appartenance à « l’hérésie ».

C’est en octobre 1560 que Blaise MALLET, venant de Genève, jette les bases d’une nouvelle communauté. Après quelques jours, il poursuit son chemin vers la ville proche de Millau en Rouergue dont il fut le premier pasteur. Quelque temps plus tard, l’église réformée de Meyrueis, en Cévennes, déjà solidement établie, mandate son pasteur, François THERON, pour une durée de trois mois, afin de « dresser » l’église de Marvejols. Il met alors en place le consistoire, institue des diacres et accompagne la jeune communauté dans ses balbutiements. Avant de regagner Meyrueis, François THÉRON crée une autre église réformée à Saint-Léger-de-Peyre, gros bourg situé à une dizaine de kilomètres au Nord de Marvejols. A la même époque, les Barons de PEYRE, puissants seigneurs de toute la contrée et adeptes précoces du calvinisme favorisent l’établissement de « micro-communautés » dans plusieurs villages de leurs terres : Serverette, Javols, Marchastel. Ainsi se met en place un noyau protestant solide, fort d’environ 1500 fidèles répartis dans une dizaine de communes.

Une pièce d’archives, datée de 1568, précise que les huguenots représentent la quasi totalité de la population de Saint-Léger-de-Peyre et le quart de celle de Marvejols. Elle nous permet aussi de cerner le profil sociologique de ces familles. A côté des notables, nobles et bourgeois, ce sont essentiellement des artisans et marchands liés aux métiers de la laine qui ont adopté la Réforme, grâce sans doute aux intenses relations économiques qui les liaient aux Cévennes, très tôt gagnées au calvinisme.

Dès le déclenchement des Guerres de Religion, en 1562, Marvejols participe aux évènements. Le paroxysme est atteint en 1586. A la tête des troupes catholiques de la « Sainte Ligue », l’amiral Anne de JOYEUSE met le siège devant la ville. Après plusieurs jours de bombardements, la cité capitule le 22 août 1586. S’ensuit un abominable massacre au cours duquel périssent 5000 marvejolais, huguenots et papistes confondus. La cité est pillée et incendiée, les survivants dispersés aux quatre coins de la province au point qu’on aurait pu croire à la disparition définitive de la ville.

Heureusement, en 1598, par des dons considérables, des exemptions fiscales, le roi Henry IV favorise la reconstruction de la ville. En 1598, par l’Édit de Nantes, il lui octroie le titre de « place de sûreté ». En 1601, débute enfin la construction du temple. Jusqu’alors, le culte était célébré soit dans une salle de la « maison commune » soit sous le « couvert »des halles sises au centre de la grande place de la ville.

Dès 1609, l’église demande au synode provincial la création d’un deuxième poste pastoral, notamment pour faire face à l’emprise de plus en plus forte du catholicisme de la Contre-Réforme, symbolisé par le retour dans la ville des religieux capucins et jacobins, et l’installation des jésuites dans la paroisse voisine du Monastier de Chirac. La pression s’accentue chaque jour, prenant parfois un tour inattendu. En 1630, à l’occasion d’une visite pastorale, le bouillant évêque de Mende, Sylvestre CRUZY DE MARCILHAC, revêtu de ses ornements pontificaux, prend la tête d’une troupe de plus de 200 émeutiers et dirige le saccage du temple : vitres brisées, bancs rompus, chaire renversée jonchent le sol.

Dès lors, et malgré une apparente vitalité, le processus de déclin de l’église réformée marvejolaise s’engage. A partir de 1665, les notables protestants abjurent ou quittent la ville. En juin 1685, le culte est interdit et le temple fermé. Le 7 octobre 1685, en la collégiale N.D. de la Carce, récemment consacrée, l’évêque BEAUDRY DE PIENCOURT reçoit la renonciation collective de la communauté. Le 11, c’est au tour des églises de Saint-Léger-de-Peyre et de Serverette de céder. Plus d’un millier de personnes ont rejoint officiellement le giron de l’église romaine en quelques jours.

Toutefois, la résistance s’organise. La région reste à l’écart du soulèvement camisard mais vit pleinement la période du Désert. Les listes de galériens ou de prisonnières des geôles royales comportent plusieurs noms de haut-gévaudanais. Mais ces huguenots, perdus au pieds des monts de la Margeride et de l’Aubrac sont bien isolés. Leurs élites ont préféré l’exil vers le « Refuge » ou le retour à l’Église de Rome, souvent à l’occasion d’un beau mariage accepté sous condition d’abjuration. Après 1750, ils sont visités occasionnellement par les pasteurs du Désert desservant les Cévennes. Ceux-ci, après deux à trois jours de voyage à travers la très catholique région des Causses, font une tournée des familles et administrent les sacrements. Mais la communauté s’étiole inexorablement. En 1790 meurt le dernier protestant de Saint-Léger-de-Peyre. En 1801, lors d’une enquête préparant le Concordat, seule une douzaine de réformés sont recensés dans l’arrondissement de Marvejols. Enfin en 1848, la municipalité de Serverette supprime et vend le « cimetière des huguenots », dernier vestige d’une communauté dont le souvenir même va s’estomper. Ainsi s’achève, sans bruit, un important chapitre de la riche histoire du Gévaudan. Il faudra attendre les années 1985 et les manifestations marquant le tri-centenaire de la Révocation d’Édit de Nantes, pour que soit à nouveau levé le voile de l’oubli . Depuis, peu à peu, la population locale se réapproprie ce passé, notamment à travers les recherches généalogiques qui révèlent à beaucoup (dont de nombreux religieux catholiques dont la région de Marvejols à été une vraie pépinière jusqu’aux années 1970) leurs racines réformées…

Philippe Chambon
Novembre 2008


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Dessin : Philippe Chambon, tous droits réservés.
Texte : d'après Philippe Chambon, tous droits réservés.